Le poids d’un héritage (le rangement avant la mort)

Le cancer est venu frappé à ta porte à trois reprises.
La première fois, tu l’as combattu.
La deuxième fois, tu as décidé de préparer ta mort afin de soulager ton unique petit fils.
La troisième fois, tu as pris le temps de me dire au revoir.

Tu nous as quitté mais tes affaires sont restées

Quand la maladie est revenue dans ta vie, tu ne te faisais plus d’illusions. Et contrairement à ta précédente rechute, cette fois-ci, tu m’as laissée entrevoir ce qu’auparavant tu gardais secret. Tu m’as laissé ouvrir ces portes que tu gardais fermés depuis si longtemps.

Nous avions ce petit rituel à chacune de mes visites. Nous prenions le temps discuter autour de ces objets qui t’entouraient. Ainsi nous échangions sur ce qui avait vraiment de la valeur à tes yeux. Tu me donnais les dernières clés de notre relation.

Revisiter ton passé ensemble a permis de t’apaiser et de mon coté, de me détacher de ces objets, tout en m’attachant à l’essentiel, les souvenirs. Ainsi je pourrais accompagner ton petit fils dans la gestion de tes biens et votre séparation future.

Séparer le souvenir (bons ou mauvais) de l’objet lui-même fut un excellent moyen de désencombrer sans me perdre dans les sentiments.

Une vie dans chaque placard

Dans le couloir qui menait à ta chambre, il y avait trois placards immenses. Tu ouvrais souvent le même pour me refiler des vêtements que tu ne portais plus (et malgré la différence d’âge, nous avions les mêmes goûts).

Petit à petit, tu me confiais avoir conservé les affaires des êtres chers qui t’avait quitté trop tôt ; a commencé par ton mari, puis ton fils et enfin ta fille.

Tu avais conservé jusqu’au dernier sac d’effet personnel récupéré chez tes enfants, sans jamais plus y retoucher. Selon toi, il était déjà trop tard pour entamer cette démarche et replonger dans ses souvenirs douloureux. Tu n’en avais plus la force physique et mentale. Aussi tu préférais profiter de l’instant présent, fait de partage et de légèreté.

Des meubles de famille

La plupart de tes meubles n’étaient pas à toi. Les déménagements successifs et les différents héritages, t’ont amené à te séparer à mainte reprise de tes meubles. Pour au final, ne conserver que ceux de tes aïeux.

Tu avais des meubles en bois Louis Philippe. Tu les trouvais beaux mais ces derniers te pesaient tant. Malgré tout, tu ne te faisais pas au style Ikea.

Plusieurs fois, je t’ai proposé de changer ton canapé, afin de t’apporter plus de confort au quotidien, mais tu n’en voyais pas l’utilité. Acheter de nouveaux meubles pour ne pas en profiter, ne te réjouissait guère. Alors tu restais dans cet environnement surchargé, encombré de souvenirs, de meubles imposants, prenant chaque jour le risque de choir. Ce qui arriva.

S’alléger du passé

Tu ne voulais pas que l’on s’encombre de ce passé, de tous ces souvenirs qui n’étaient pas les nôtres. De toutes ses questions qui étaient restés sans réponse pour toi. Tu avais fait cette erreur, tu ne voulais pas que l’on fasse la même.  Tu avais accumulé les héritages en pensant que tes enfants les récupèreraient à leur tour, sauf qu’ils sont partis avant toi.

Cette volonté, de vouloir transmettre ces objets de valeurs perdait alors tout son sens pour toi. Le plus important n’était plus dans ses objets de « valeurs » car tu avais perdu le plus important pour toi.

Durant nos échanges, tu me donnais de petites indications / instructions sur ce qui devait être fait (notamment la revente des meubles, l’argenterie, vaisselle et autres bibelots, par un commissaire priseur).

Cela t’a soulagé et permi de te rendre compte à quel point garder toutes ces choses avaient pu peser sur ta vie. En même temps, c’était tout ce qu’il te restait de ta famille, comment te le reprocher.

Minimiser la quantité d’objets qu’on laisse derrière soi

Je n’ai compris l’ampleur de ma tâche qu’une fois que tu nous as quitté. Lorsque j’ouvris les placards du couloir. Chacun d’eux avait une profondeur d’un mètre et jouissaient d’une belle hauteur sous plafond.

Il y avait un placard pour chacun des membres de ta famille que tu avais perdu. Finalement, tu n’occupais que peu de place dans ton appartement.

Je me suis retrouvée face à une montagne de vêtements, de livres, de meubles, vinyles… les souvenirs passés étaient aussi lourds que les meubles.

Je n’ai pas connu tes enfants et ton mari. Finalement, en faisant le lien avec tes souvenirs et en triant tes affaires (et les leurs), je les ai découvert un peu plus. Telle une rencontre subjective. Tu avais conservé d’eux ce que tu aimais sans pour autant supprimer leurs petits défauts. Tu les aimais tels qu’ils étaient.

J’ai remonté mes manches

Tu me parlais sans gêne de tes dernières volontés (testament, assurance, crémation, etc). Un peu surprenant au début, mais finalement tu le faisais aussi pour nous. Tu avais pris le parti d’organiser au mieux ta fin de vie afin de nous soulager.

Face à une telle accumulation d’objets, je devais impérativement m’organiser, d’autant que je vidais un appartement refermant finalement 4 vies.

A ma grande surprise, je n’étais pas envahie par un trop pleins d’émotions car nous les avions pleinement partagé de ton vivant. J’ai rapidement su par quoi commencer, quoi jeter, quoi donner…

  • L’ensemble de tes biens de valeurs ont été reuni en une même pièce afin de faciliter le travail du commissaire priseur.
  • Les vêtements et les livres ont été triés par catégorie puis adressé à Emmaüs.
  • Papier administratif:
    • Documents en cours de validité (banque, abonnements, factures, impôts, etc)
      Afin de clôturer chacun des comptes et/ou faire des changements de nom. (Le tout a permi de faire un tableau récapitulatif) 
    • Documents notariés
    • Documents à jeter.
    • Documents personnels. Précieusement conserver dans une boite.
  • Les photos. Après avoir découvert que l’on pouvait stocker des photos à 6 endroits différents, j’ai tout réunir en un même lieu. Elles sont maintenant stocker dans une boite afin de faire un album souvenir pour ma fille.
  • Les bijoux, entre breloques et pierres précieuses. Comme pour les photos, le tout a été soigneusement nettoyé et rangé dans une boite à l’abri.
  • Jeune dans ta tête, tu étais passée au numérique en un rien de temps. Tes Mots de passe et identifiants internet étaient conservés précieusement dans ton petit carnet.

Le rangement avant la mort,
dans la même ligné que Marie Kondo

Sensible à la question du rangement, parler des objets que l’on laisse à sa mort nous concerne tous. Même si le sujet peut s’avérer délicat, nous devons nous rendre à l’évidence: Avons nous vraiment envie de laisser nos enfants et petits enfants se dépatouiller de tous nos biens ?

Pourquoi ne pas gérer nos biens de notre vivant, nous permettant ainsi de terminer notre vie sans être gêné par les biens dont nous n’avons plus besoin, libérant nos proches de cette tâche délicate, afin qu’ils puissent se concentrer sur leur travail de deuil, plutôt que de devoir deviner quels sont nos souhaits définitifs et se soucier de la culpabilité de jeter nos affaires.

Tel est le sujet abordé par Margareta Magnusson dans son ouvrage 

The Gentle art of Swedish Death Cleaning de Margareta Magnusson

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Titre français La vie en ordre.

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Margareta Magnusson évoque L’art subtil du nettoyage de la mort suédois ou comment vous libérer, vous et votre entourage, d’une vie entière de désordre. Telle une invitation à la discussion avec ses proches.

Comme pour la méthode Konmari, les objets les plus précieux seront traités à la fin du processus. Mais contrairement à Mari Kondo, l’approche de Magnusson implique à la fois la catégorie et les pièces de la maison.

Une manière plutôt original d’inviter les baby boomer à l’art du minimalisme.

Elle nous livre 7 conseils pratiques

1- Enlever l’excès en ne conservant que le nombre d’assiettes que votre table peut accueillir.

2 – Passez au numérique. Si vous utilisez Internet pour des recettes, vous pouvez abandonner les livres de recettes.

3 – Jeter avec intention (et sans culpabilité). Trouver une nouvelle maison pour tout ce que vous ne souhaitez plus conserver (Donner à la famille / aux amis, vendre ou faire un don).

4 – Achetez moins. Apprenez à apprécier les choses sans les posséder. Apprenez à réparer vos affaires (par exemple, apprenez à coudre). Et essayez d’acheter d’occasion.

5 – Soyez doux et attentionné envers les autres. Ne gardez rien qui puisse les choquer ou les embarrasser inutilement après votre départ. Aborder la question du rangement avant la mort avec vos proches. 

6 – Prenez soin de vous et de votre maison tant que vous êtes vivant.

7 – Prenez le temps de ressentir et de réfléchir. Ce processus implique de faire remonter à la surface des sentiments et des émotions qu’il faut prendre le temps d’accueillir. Ces derniers vous permettront de réfléchir sur votre vie et d’envisager la suite sous un nouvel aspect.

 

Le rangement avant la mort se présente comme une démarche lente et régulière qui consiste à désencombrer son intérieur au rythme des années. D’après l’auteur, l’arrivée de la cinquantaine est le moment idéal pour commencer ce processus. (Bien qu’il puisse être entamé à tout moment de la vie)

Ne serait-ce pas là, la clé pour un désencombrement réussi ?!

Publié par

zita home

Organisatrice d'intérieure formée à la psychologie de l'habitat et à la valorisation immobilière, je me consacre au bien être dans l'habitat. Découvrez mon univers inspiré par les tendances scandinave, vintage, minimaliste, zéro déchêt... et un peu geek.

46 réflexions au sujet de “Le poids d’un héritage (le rangement avant la mort)”

  1. J’avoue que je ne suis pas allée jusqu’au bout de ton article. Car c’est un sujet trop trop délicat pour moi. J’ai perdu mon Papa il y a peu d’années de cette foutue maladie et là nous sommes encore en plein combat avec mon beau-frère. J’ai arrêté car je pleurais trop derrière mon écran mais article intéressant.

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  2. Trés touchant cet article et tellement réaliste. Je n’ai gardé que très peu d’effets lors de leurs départs mais je ne me séparerai jamais de l’héritage immatériel qu’ils m’ont légué : leurs expériences et leurs valeurs.

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    1. Cet article a été libérateur. Sa maladie a été longue alors j’ai eu le temps d’appréhender son départ. J’ai été triste (de savoir que je la perdais puis de l’avoir perdu) mais ses souffrances sont finies. J’ai été heureuse de la connaître, ma fille aussi. C’est le plus important

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  3. Coucou,
    Je t’avoue que j’ai versé ma petite larme car ce billet ma rappelle des souvenirs douloureux. Je reste attachée aux souvenirs, pas à tous bien sûr, il faut faire un tri, mais ils comptent pour moi et ils me permettent de me dire que la personne était bien là, à tel moment, à tel endroit, avec moi.
    Pas facile la partie désencombrement je trouve…
    Très beau billet en tout cas et hyper touchant !
    Plein de courage et de bisous !

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  4. une de mes amies revient d’un weekend chez sa grand mère, ils viennent de la placer en maison de retraite (mais elle n’en a plus pour très longtemps) et elle a aidé à vider l’appartement.
    Pour ce que tu dis sur le death cleaning, Je trouve que l’idée est bonne mais le nom n’est pas inspirant

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  5. C’est un article très puissant que tu nous offres . Le sujet n’et pas facile et est d’ailleurs que très rarement abordé! J’avoue ne pas y avoir pensé et pourtant c’est quelque chose qui pèse tellement sur le survivant. Je pense notamment à toutes les données numériques, l’accessibilité aux comptes… ça fait clairement réfléchir !

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  6. Coucou,

    C’est vrai que c’est un sujet très délicat et que l’héritage, bien souvent, rime avec conflit !
    Nous avons été confrontés à la maladie à plusieurs reprise, d’ailleurs, on a prié très fort pour mon grand-mère atteint de 2 cancers qui a eu des jours très très difficiles !

    Malgré tout, je pense aussi que c’est bien de mettre les choses au clair avec ses proches pour éviter bien des choses ! Je ne suis pas particulièrement attachée au matériel, par contre, ce qui est photos, j’y tiens énormément !

    Plein de courage !

    Belle journée,
    Laura – Bambins, Beauté et Futilité

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  7. Et bien que dire … comme les autres je suis très touché par ton article… tes mots sont bouleversants, délicat, intime et personnel, mais surtout très très bien écrit … Mon grand père est actuellement soigné d’un cancer du foie, on s’attend au pire et quelques part j’aimerais beaucoup qu’il soit aussi organisé et préventif que le tiens si le pire venait à venir …

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  8. Il était très touchant ton article. J’ai perdu ma mamie il y a un an et on a dû vider l’appartement (qu’elle louait depuis 1969) très très rapidement et franchement c’était très dur. Je n’ai pas réalisé sur le moment mais en 48h, tout était vide. L’appartement que je connaissais depuis toujours était vide. J’ai récupéré beaucoup de choses, on en a donné et jeté beaucoup et ce n’est vraiment pas facile de voir des décennies partir en quelques heures..
    Rien n’avait été prévu car bon, la santé de ma mamie s’est vite détériorée, on a été pris de court. Mais c’est vrai que quand c’est possible, ça peut être bien de mettre tout au clair, pour aider les personnes qui s’occuperont de tout.
    Je n’en écris pas plus car dès que j’évoque ma grand-mère j’ai les larmes qui viennent.
    Bon courage à toi en tout cas.

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    1. En effet, lorsqu’il faut rendre un bien, il faut agir dans l’urgence, c’est brutal comme expérience ! Devoir effacer toute trace de son passage si vite c’est vraiment dure. Navrée. Et merci pour ce message. Bon courage à toi aussi

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  9. Ton article est très émouvant, et plein de vérité également concernant la « méthode » du deathcleaning. J’ai encore la chance d’avoir ma grand-mère avec moi mais elle a laissé récemment sa maison et ma maman l’a aidé à tout trier. Quand ma grand mère m’a ramené des tasses et quelques autres de ses effets, j’ai été très touchée. Même si ce n’est pas mon style de base, je les garde bien précieusement, ils ont désormais une grande valeur sentimentale pour moi.
    Sinon de base, je ne suis plus trop adepte du stockage. D’ailleurs, depuis un mois, je vide énormément et je donne autour de moi.
    Bon week-end
    Elsa

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  10. J’ai eu du mal a lire ton article car il a émergé des souvenirs douleurs et j’évite de pensé a cela. Ton article est tellement bien écrit. Tu as un vrai talents pour choisir les mots =)

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  11. L’article est intéressant mais je suis surprise de l’âge que donne l’auteure suédoise pour commencer à préparer sa mort, sa succession. 50 ans. Mais c’est jeune encore. Les gens de 50 ans aujourd’hui ne sont pas des séniors mais des actifs qui ont encore pas mal d’année à vivre. Ils sont dans la pleine force de l’âge. C’est fou ce palier de 50 ans comme si on devenait vieux d’un coup. Désolé mais ça me mets en rogne, Ça m’agace au plus haut point et ça me choque profondément.
    Bien-sûr il n’y a pas d’âge pour mourir. Et dans notre vie, nous verrons nos proches mourir, grands parents, parents, oncles, tantes, frères ou sœurs ainées mais tout de même : 50 ans.
    J’ai perdu mes grands parents alors que j’étais relativement jeunes. Ma première grand mère j’avais six ans, je m’en souviens très bien et mes deux autres grands parents à 17 et 27 ans. Mes arrières grands parents que j’ai connu j’étais trop petite pour me souvenir de leurs décès.
    La mort de mes proches ne m’effraie pas, ma propre mort ne m’effraie pas. La mort fait partie de la vie. C’est le cycle naturel. Le principal est de bien vivre notre vie et de se prépare à notre mort le moment voulu ou l’on se s’en bien même s’il est bien d’avoir déjà une idée funéraire : enterrement ou crémation.
    Désolé je me suis égarée mais très beau témoignage en tout cas.

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    1. bonjour, en effet, chaque culture a sa représentation de l’âge, des paliers que nous franchissons et la manière de les franchir. C’est juste une manière de dire qu’à 50 ans, nous n’avons plus 20 ans. D’un coté nous nous préparons à entrer dans la vie active et de l’autre nous en préparons la sortie progressive. Cela ne veut pas dire arrêt totale de la vie, au contraire cela laisse place à d’autres projets de vie qui se prépare (ou pas). Comme vous le dites, il faut se préparer le moment voulu, il faut aussi faire attention de ne pas se retrouver pris par le temps.
      Ne pas avoir peur de la mort est une manière plutôt saine de s’y préparer, cela sous entend de ne pas avoir peur d’en parler, cela fait tomber pas mal de barrière et lève bon nombre de crainte autour de soi et de notre entourage.
      Merci pour votre témoignage.

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